Ca va passer
Pendant longtemps, quand ma fille se faisait mal, j’ai eu tendance à dire systématiquement: « c’est pas grave, ça va passer ». Sans doute parce que ma mère me le disait. Son « ça va passer » était magique. Ça finissait toujours par passer!… Mais avec ma fille, c’est différent. Mon « ça va passer » l’énerve ou en tout cas ne la calme pas. Depuis que je pratique l’hypnose, je connais mieux le pouvoir des mots et les effets étonnants qu’ils peuvent avoir dans un sens ou dans un autre.
Reconnaître la douleur
Un livre a radicalement changé ma façon de faire. Milton Erickson, père de l’hypnose moderne, a été un des plus grands thérapeute du 20ème siècle. Jay Haley qui a été son élève pendant 17 ans, retranscrit dans « Un thérapeute hors du commun » ce qu’Erickson dit à son fils de 3 ans qui vient de dégringoler d’un escalier, la bouche en sang et hurlant de douleur et de peur.
« Profitant de ce qu’il reprenait son souffle avant de recommencer à crier, je lui dis vite, simplement, avec compassion et conviction: « Ça fait terriblement mal, Robert. Affreusement mal. » Dès lors, mon fils avait la certitude absolue que je savais de quoi je parlais. J’avais en effet prouvé que je comprenais tout à fait la situation. Je dis ensuite à Robert; « et ça va continuer à te faire mal ». En faisant cette simple remarque, j’exprimais ses craintes de façon explicite, j’apportais une confirmation à la façon dont il jugeait la situation, je lui prouvais que je comprenais parfaitement bien toute l’affaire. Comme il reprenait à nouveau son souffle, je lui dis: « et pourvu que ça cesse de faire mal! ». Nous étions là encore tout à fait d’accord, et son vœu était approuvé et même encouragé. Et c’était ce qu’il souhaitait, cela venait entièrement de lui et constituait son désir le plus urgent. Je pouvais dès lors faire une suggestion qui avait de bonnes chances d’être accueillie favorablement. Voici ce que j’avançais: » Mais peut-être que ça va bientôt cesser de faire mal, juste dans une ou deux minutes ». Cette suggestion correspondait tout à fait à ses besoins et à ses désirs, et le « peut-être », qui la nuançait faisait qu’elle n’était pas en contradiction avec la façon dont il percevait la situation.(…) Poussé par un narcissisme qui existe en tout être humain, il désirait que son malheur soit reconnu, et plus encore qu’il en résulte un certain réconfort. »
Attirer l’attention sur la réalité
« Dans une situation où l’on a l’impression d’être gravement atteint, on éprouve avant tout par compensation le besoin d’une satisfaction à se sentir vertueux. Sa mère et moi, avons examiné le sang qui était sur le carrelage, et nous avons tous deux exprimés l’opinion que c’était du beau sang rouge et de bonne qualité. (..) De cette façon, nous l’avons rassuré mais pas seulement pour lui procurer un réconfort sur le plan affectif, nous nous sommes livrés à l’examen d’éléments réels de manière à lui apprendre quelque chose. Toutefois, nous avons émis quelques réserves à cet avis favorable en déclarant qu’il faudrait que nous examinions ce sang sur le fond blanc du lavabo de la salle de bain. A ce moment là, Robert avait cessé de pleurer et il n’était plus dominé par la douleur et la peur, au lieu de cela il était intéressé et absorbé par le problème passionnant de la qualité de son sang. »
Attirer l’attention sur le sang qui coule n’est pas encore devenu un réflexe pour moi, par contre, je demande systématiquement à ma fille qu’elle me montre comment c’est arrivé, qu’elle mime (sans se re-faire mal) les gestes qui ont provoqué l’accident. Et quand elle le fait, elle arrête immédiatement de pleurer, comme si l’effort de concentration qu’elle devait faire était incompatible avec les hurlements ou les pleurs.
Je vous conseille vivement la lecture de ce livre. Vous pourrez notamment y découvrir comment ce papa intelligent et imaginatif arrive à faire passer un bon moment à son fils pendant qu’on lui met 7 points de suture dans la bouche.
2 Replies to “Comment réagir quand un enfant se fait mal?”